Les mois d’avril se suivent et ne se ressemblent pas
Ces mots écrits en 2018 et réactualisés pour faire avec…..quand même
C’est le printemps C’est le mois d’ AVRIL
En avril, outre les précautions textiles d’usage bien connues sous nos latitudes pourtant de moins en moins tempérées, en avril donc, il est une légende rhénane à ne pas oublier : c’est celle des Aprilenachen.
En alsacien a « Narr », a « Narrin », en référence au Narreschiff de Sébastien Brandt, est une folle, un fou, qui pendant ce mois de contrastes météo rapides et inattendus est celle ou celui qui donne du sens à l’insensé, à l’impensé, et vous prend au mot sans penser à mal. Par exemple,
– Elle vous tend des tessons de céramique afin que nous n’ayez pas besoin de casser des briques
– Il vous fait sourire en vous tendant un vrai noeud de fine chanvre à mettre sur la langue avant que n’en échappe le mot de trop qui risque de faire basculer votre affaire.
– Il vous donne un hochet antinucléaire pour alerter les bébés, avant , comme l’immense Jacques H. de monter au ciel des poètes
– Elle vous tire la langue pour mieux vous faire tendre les deux oreilles aux bruissements des murmures et aux craquements des peuples en peine
En choeur, ils célèbrent ASPARAGUS , cette plante sauvage qui depuis 2000 ans au moins fait des va- et- vient entre Europe, Méditerranée et Afrique du Nord, avant d’atterrir sur nos tables en avril. Je veux parler de l’Asperge, Asparagus en latin, Spargel en allemand, Spärriechle en alsacien, esparrago en espagnol, sparanghel en roumain, « secoume » en arabe algérien et…. en wolof..tiens pas trouvé, au secours ami.es sénégalais !
Folies d’avril, les frasques des AprileNarren ne tiennent qu’à un fil, s’en découvrent en dansant pour faire mentir le sage proverbe, et se rapprochent de l’asperge, ce mets de choix qui comme eux ne dure que le temps du mois, et comme eux a des mystères et des histoires qui n’en finissent pas de s’écrire.
Cependant, si les Folles et Fous d’avril ont comme règle d’afficher leurs émotions, leurs sentiments , leurs questionnements, sans crainte démesurée de la réprobation du qu-en-dira-t-on, se pose néanmoins la question de la SANTE et des risques de ce légume phare du mois d’avril :
« Peut on être allergiques aux asperges ? » Demandais-je en avril 2018
Les vertus nous sont connues : l’asperge est aphrodisiaque, intercontinentale, plus verte les Verts de France, plus légère que les plume de l’Eider, et aussi méritée en bouche que l’on a sué pour la bien cuisiner avant de l’avoir bien buttée, soignée, cajolée dans les terres sablonneuse de notre Alsace chérie….Sa tige se déguste blanche, violette, verte. Ses inflorescences garnissent le traditionnel bouquet de la mariée.. Même si ce mets de choix fut prisé des reines et rois et puis des tables bourgeoises lorsque elle passa du vert au blanc et de la texture fibre sauvage au moelleux d’agnelet couvé sous les buttes…Et démocratisée durant le XX siècle.
Mais… on n’est jamais trop prudent en cette époque où les choix et les goûts alimentaires sont traversés par la revendication individualo-identitaire souvent assortie d’intolérance alimentaire dont la malbouffe industrielle est responsable bien avant une quelconque mise en cause de caprices d’enfants gâtés ou de personnalités narcissiques exacerbées.
C’est pourquoi, afin de m’assurer que vous ne serez pas désarçonné.es par un plat si exotique, j’ai creusé la question.
Exotique, les Spariechle de Hoerdt ? Les asperges de Hoerdt sont arrivées ici dans ce village du canton de Brumath par le bateau et par un pasteur alsacien revenu des colonies qui y avaient goûté en Algérie, très précisément à Philippeville, en 1879.
Philippeville,(ex Fort de France) redevenue depuis 1962 Skikda en arabe algérien, Skigda localement, Tacida en berbère,Sucaicada en arabe, et … Rusicada du temps des phéniciens.. Quelle histoire !
Que de colons, que de noms, nom de nom, heureusement que les asperges sont d’Alsace !!! Même si je viens d’un village bien alsacien qui s’appela Drususcapo, pui drusenvilla, puis Drusenheim, et en parler local, Drûuse’hem, Drüusenhe, et j’en passe.
Asparagus est en effet un légume connu depuis 2000 ans, aussi vieille que Strasbourg: Romains et Egyptiens l’appréciaient… Et puis plouf, elle a disparu des écrans européens, mystère , jusqu’au XV siècle où elle réapparaît, petite verte et barbue, longue et amère à mâcher…
Heureusement, des jardiniers du roi s’obstinèrent du coté d’Argenteuil,terre maraîchère bien connue pour ses haricots à l’apprivoiser. Une fois forcie, buttée et génétiquement travaillée même sans connaître les lois de Mendel, elle se fit une place de luxe à table et une solide réputation planétaire.
En effet, les moines et moniales apothicaires en ont vanté depuis ce temps là les vertus anti-allergiques, anti tension artérielle, et même sous l’espèce verte plus amère, elle a vu sa culture reprendre et son expansion se développer.
Sans doute les semences d’asperge ont elles transitées, depuis les Phéniciens, vers Argenteuil et puis retour au bercail, et puis re-navette vers la vallée de la Loire ensuite,petit détour par les Landes, puisque la catégorie 1 vient originellement de là bas…
La seule chose que je ne sais pas, c’est si le pasteur de Hoerdt les a achetées, piquées, ou ramenées. En souvenir cadeau de repas partagés avec les habitant.es de Philippeville, ou en souvenir d’expériences plus coquines ?
La seule chose que je ne sais plus en ce mois d’avril 2020 , c’est la capacité de résistance au COVID-19 de cette dive tige puisque nous devrons la goûter par images interposées, ensemble par la pensée, séparés par les espaces confinées, entre Perth, Australie, Metz Lorraine, Lingolsheim, Strasbourg, Kehl, Sarregueminnes…..10 000 ou 10km, rester chez soi est la folle règle de l’heure…
Une aventure gastronomique et amicale où embrassades, mots et chaleur humaines sont autant à imaginer que les goûts et aux saveurs partagées ! On n’arrête pas le progrès……
MVeGé Tata Marianne